Le scandale du nouveau Missel

Publié le 1 Mai 2019

Dans leur livre tonifiant, L’Évangile célébré, le fondateur de la communauté de Bose, Enzo Bianchi, et le nouveau prieur, Goffredo Boselli, dénoncent « quelques aspects de la liturgie qui représentent un obstacle à l’évangélisation » (p. 213). Le premier obstacle vient du langage liturgique, dont certains textes s’avèrent impénétrables et parfois indéchiffrables. Or la réforme du concile Vatican II (1962-1965) avait permis quelques progrès, en encourageant des adaptations plutôt que des traductions littérales de l’original latin. Or ces progrès risquent d’être à nouveau anéantis par l’obstination de la congrégation romaine pour la liturgie. En effet, en 2000 elle a publié une nouvelle édition du missel, en latin, à traduire dans les langues usuelles. Depuis lors, c’est-à-dire pendant dix neuf ans, les épiscopats francophones ont soumis à cette congrégation des traductions de ce missel, mais ils se seraient heurtés à autant de refus. En effet, la congrégation revient en arrière par rapport à ses propres orientations des années 1965-1969, elle exige à nouveau des traductions littérales et le retour à des formes rituelles d’avant le concile, comme dans la prière du « Je confesse à Dieu », où il faudrait de nouveau se frapper trois fois la poitrine en disant « C’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma très grande faute ». Les prières eucharistiques pour les assemblées avec enfants seraient supprimées. Or tout cela se passe en secret, on ne l’apprend qu’en interrogeant quelques responsables liturgiques impliqués dans ces négociations, alors que pour la première édition du missel, il y a cinquante ans, de larges consultations avaient été engagées et que des éditions provisoires (ad experimentum) avaient été mises à la disposition de toutes les paroisses.

La congrégation romaine pour la liturgie semble accorder aux textes liturgiques la même autorité qu’aux livres de la Bible et les considérer comme intangibles. Ils ignorent que le pape Grégoire le Grand (590-604) les attribuait à des scolastici, à des lettrés (Lettre à Jean de Syracuse : Registrum IX, 26, CCL 140 A, 587). Certes, on a pu établir que certains textes avaient été composés par des papes ou des évêques illustres, mais bien souvent ils répondaient à des situations de leur temps. À notre époque d’en composer qui correspondent aux situations et au langage d’aujourd’hui, l’Esprit saint nous assiste certainement autant que les rédacteurs des anciennes oraisons. À cet égard, les secrétaires actuels des congrégations romaines peuvent-ils se prétendre plus inspirés que leur prédécesseurs d’il y a cinquante ans, qui ont élaboré la première traduction du missel, et par leur nouvelle édition jeter le discrédit sur eux, comme s’ils avaient mal fait leur travail ?

La publication du nouveau missel provoquera des divisions dans nos Églises locales. D’abord pour des raisons financières : a-t-on évalué les frais imposés aux paroisses et aux fidèles pour acquérir en bloc, du jour au lendemain, de nouveaux livres ? Mais plus grave, certains refuseront la nouvelle édition, d’autres l’adopteront. Puisqu’en tant de lieux l’eucharistie n’est plus célébrée régulièrement et que pour y participer chaque dimanche il faut se déplacer, on devra donc se munir des deux éditions pour tous les déplacements !

Tant que l’ensemble du peuple catholique de France est tenu à l’écart de ces réformes qui le concernent pourtant directement, il doit s’opposer à cette nouvelle édition et demander à l’épiscopat de prendre ses responsabilités, comme le pape François l’y a déjà engagé plusieurs fois.

Contribution à l’action de La Croix, Réparons l’Église (mars/avril 2019)

Rédigé par jonasalsace

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