Publié le 25 Août 2012

Une hérésie de la communication

Le 15 août est habituellement très calme. Les journalistes n’y trouvent que peu de matière. Même le président est en vacances et les JO sont finis. Fort heureusement, il y a les manifestations religieuses. Cette année le cardinal Vingt-Trois a même fourni lui-même la matière. Mais quelle pagaye il a semée !  Comme celles produites par le Vatican ! Il avait ordonné une prière à insérer dans la célébration. Toutes les églises de France étaient censées concernées. Mais l’information a été très mal diffusée dans les églises. Par contre, le jour même, elle mobilisait tous les médias, en provoquant une controverse.

Avez-vous prié pour la France ?

Pendant la célébration de l’Assomption, le 15 août, vous auriez dû entendre cette invitation :

« Frères et Sœurs, En ce jour où nous célébrons l’Assomption de la Vierge Marie, sous le patronage de qui a été placée la France, présentons à Dieu, par l’intercession de Notre-Dame, nos prières confiantes pour notre pays. »

Cette monition devait être suivie de quatre intentions de prière, successivement pour les dirigeants politiques, pour les nouveaux élus, pour les familles, et enfin pour les enfants et les jeunes, puis de cette oraison conclusive :

« Seigneur notre Dieu, nous te confions l’avenir de notre pays. Par l’intercession de Notre-Dame, accorde-nous le courage de faire les choix nécessaires à une meilleure qualité de vie pour tous et à l’épanouissement de notre jeunesse grâce à des familles fortes et fidèles. »

Pour vous rassurer, ce formulaire n’a pas été récupéré dans des archives ecclésiastiques du temps de Vichy ni dans celles du FN. Il émane de la plus haute autorité catholique de notre pays, le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence des évêques.

Mais au fait, n’en avez-vous pas entendu parler ? N’avez-vous rien lu à ce sujet ? Les prêtres n’en ont-ils pas fait mention lors des célébrations ? Surtout, ne faites pas de reproches à ces prêtres, car ils n’avaient sans doute pas été avertis officiellement. Moi-même, c’est uniquement par la lecture de La Croix que j’en ai pris connaissance.

En effet, cette information a paru dans un quotidien, qui n’est pas le Journal officiel de l’épiscopat, le 31 juillet, donc à peine deux semaines avant la date concernée. On apprenait que les évêques eux-mêmes en avaient eu connaissance par une lettre du 25 juillet. D’ailleurs, on ne saisit pas très bien comment la décision a été prise : l’information du quotidien est intitulée « Les évêques proposent de prier pour la France » (p. 12), mais le commentaire explique que c’est le cardinal Vingt-Trois qui a fait cette proposition à ses collègues. Alors, qu’y a-t-il de collégial dans cette initiative ?

Mais le plus surprenant, c’est le processus de communication. Il n’est fait état d’aucun moyen de diffusion. Comment les responsables des équipes liturgiques et les présidents de toutes les célébrations du 15 août pouvaient-ils être informés de cette prière pour la France, à insérer ce jour-là, puisque, apparemment, rien n’a été organisé pour cela ? Huit jours avant la date, le secrétaire de l’épiscopat passait à l’antenne, dans l’émission Télématin, « Les quatre vérités », et, interrogé à propos des prochains débats nationaux sur ces questions de société évoquées dans la prière du cardinal Vingt-Trois, il n’a même pas évoqué celle-ci, alors qu’une occasion en or lui était offerte pour le faire. Par ailleurs, notre diocèse était-il concerné par cette initiative, alors que tous les ans il organise une prière officielle pour la République, en juillet, avant la Fête Nationale ?

Ce gros défaut de communication est loin d’être, en ce domaine, un incident isolé, l’appareil ecclésiastique catholique en est coutumier. Il sait informer, c’est-à-dire diffuser des encycliques, des règlements, même des retouches (souvent contestables) aux réformes liturgiques, mais ne se soucie nullement d’organiser les canaux nécessaires à une bonne réception ; bref, il ne sait pas communiquer.

La prière instrumentalisée par la hiérarchie

Mais au fait, dans cette demande de prière adressée à toutes les assemblées catholiques françaises, quelle était la véritable destination de l’initiative ? La présentation qu’en fait La Croix la met en relation avec des projets législatifs : le mariage des couples homosexuels et la possibilité d’adoption par eux, et c’est bien ainsi que les médias et les associations ont compris la démarche. Le porte-parole de l’épiscopat, un commentateur désormais bien connu, M. Bernard Podvin, faisait valoir l’affluence de participants à cette « fête liturgique populaire » du 15 août : « Il est important de conscientiser les participants – au-delà de la sphère des participants- à la gravité des enjeux de la société de portée considérable, en les mobilisant par la prière ». Eh bien, c’est raté ! Faute d’une organisation adéquate pour la communication. Mais, plus grave, peut-on ainsi instrumentaliser la prière liturgique ?

Autre argument avancé : ne pas laisser aux groupes catholiques liés à l’extrême droite le monopole des préoccupations catholiques. Mais combien de temps encore nos hiérarchies des différents degrés organiseront-elles la pastorale en réaction contre les « tradi », au lieu de le faire en concertation avec les conseils pastoraux des paroisses et des diocèses ?

Tout en dénonçant ces grosses déficiences dans le système épiscopal de communication, gageons cependant que le jour où un évêque annoncera la fin de la loi du célibat pour l’accès au ministère presbytéral, la nouvelle se répandra immédiatement. Mais pour manifester le pouvoir de gouvernement, il est bien plus facile d’ordonner des prières.


Marcel Metzger

 

 

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Rédigé par jonasalsace

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Publié le 15 Août 2012

Les journaux de ce 14 aout 2012 se font l’écho de la « proposition nationale pour une prière des fidèles » formulée par l’épiscopat français pour la fête de l’Assomption, en la présentant comme une prière « anti mariage homosexuel ». Ce texte est accessible sur le site http://www.eglise.catholique.fr/accueil.html.

 

Voici quelques remarques sur le texte lui-même et sur la démarche de l’épiscopat :

- Comme trop souvent, le texte concerné est un magnifique exemple de « langue de buis », ampoulé, allusif et plein de beaux mots fourre-tout : générosité, solidarité, conscience, fidélité, tendresse, engagement, bonheur, amour…  que personne ne peut récuser. On dit un peu sans dire vraiment, sans doute dans la recherche illusoire d’une pseudo-unanimité, alimentée par l’incapacité de l’institution ecclésiale à affronter et gérer sainement les divergences et les conflits.


- Une fois de plus, Marie est instrumentalisée au service de causes, l’avenir de la France et la défense d’un modèle familial unique, bien éloignées du contexte dans lequel a vécu la mère de Jésus de Nazareth. En rappelant en introduction à cette prière que « la France a été placée sous le patronage de la Vierge Marie », l’épiscopat se garde bien de rappeler les conditions de ce « vœu de Louis XIII », destiné surtout à assurer sa postérité et sa domination sur ses sujets.


- Sur le fond, Mgr Podvin, ce 14 aout sur France Inter, a dit et redit que la demande de l’Eglise catholique est avant tout la tenue d’un vrai débat de société autour des questions de la famille et des limites de la vie. Cette demande est légitime, mais le plus simple ne serait-il pas de donner l’exemple et de commencer par ouvrir le débat parmi les chrétiens catholiques ? Qui a été consulté pour la rédaction de cette proposition de prière ? A quand de vraies assemblées d’Eglise, avec de vrais débats contradictoires, une prise en compte de la vraie vie des gens ? Quand fera-t-on confiance aux femmes et aux hommes qui cherchent à vivre l’Evangile dans toutes les situations contemporaines et tracent des chemins inédits ?


- Mgr Podvin a eu le mérite de la clarté au moins sur un point : il a régulièrement évoqué la position « de l’Eglise » et a fort peu fait référence à l’Evangile, et pour cause… Or « l’Eglise » dont il parle est une société hiérarchique presque exclusivement composée d’hommes célibataires, dont la parole est en outre verrouillée au plus haut niveau. Comment imaginer que ces hommes, aussi ouverts soient-ils, puissent prendre en compte la complexité et la richesse des situations réellement vécues au quotidien par les femmes et les hommes de ce temps ? Cela dit, puisqu’il s’agit d’une « proposition », que chaque communauté s’en empare et prenne ses responsabilités ! Les chrétien(ne)s sont adultes et il serait intéressant de voir ce qui sera réellement prononcé demain dans les églises de France.


- Enfin, la démarche de l’épiscopat français ne peut pas être séparée de celle du Vatican envers les religieuses américaines qui, fortes de leur expérience de terrain, proposent une parole autre sur toutes ces questions de société… et sont vertement rappelées à l’ordre! Heureusement, elles continuent leur combat, et nous continuons le nôtre, car le message de l’Evangile ne sera jamais la propriété de quelque personne ou quelque institution que ce soit.


Marie-Anne Jehl

Jonas Alsace

Réseaux des Parvis

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Rédigé par jonasalsace

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Publié le 9 Août 2012

Au secours, Monsieur Vincent !

Note préliminaire. Selon le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, dir. Alain Rey, 1992, p. 1942, le titre « Monsieur » équivaut à « Monseigneur ».

 

L’Ami Hebdo du 29 juillet dernier vous a dédié une page entière de présentation (p. 3), en vous donnant l’occasion d’exprimer vos convictions, que vous formulez dans l’ambiance romaine de votre ministère précédent. Vous abordez, entre autres, la question des vocations, pour dire ceci :

« Les Alsaciens sont connus pour leur attachement aux traditions et leur sens de l’organisation, mais le danger est d’oublier de renouveler notre attachement au Christ par la fidélité à la prière communautaire et personnelle. C’est un des aspects de la baisse des vocations sacerdotales aujourd’hui, nous vivons souvent comme si nous n’avions plus besoin des prêtres, nous ne cherchons plus en lui l’homme de Dieu, mais l’animateur de structures et le prestataire d’actes religieux. Un jeune engagera difficilement toute sa vie dans le célibat pour une telle perspective ».

Vous avez raison : beaucoup de catholiques de notre diocèse sont contraints de vivre « comme s’ils n’avaient plus besoin des prêtres », puisqu’ils ne peuvent plus en rencontrer que de loin, les prêtres étant devenus si rares. De ce fait, ce qui constituait jadis une part importante du ministère des prêtres, dans la préparation au baptême et au mariage, la catéchèse, l’accompagnement des malades et des familles en deuil, sans oublier l’accompagnement spirituel, à présent tout cela est assuré dans une large mesure par des laïcs ; ce sont eux, maintenant, les « hommes et les femmes de Dieu » (1 Tm 6,11 ; 2 Tm 3,17). Cette rareté des rencontres concerne particulièrement les enfants et les jeunes, alors que les prêtres des générations précédentes avaient été appelés au ministère principalement à cet âge et dans un suivi personnel assuré par leurs aînés. Quant à la fidélité des catholiques à la prière communautaire et personnelle, elle est menacée par la réduction des célébrations, les regroupements, les réticences de la hiérarchie par rapport aux célébrations dominicales de la Parole, sans oublier les difficultés économiques provoquées par le déséquilibre financier entre l’entretien des églises et la diminution des rentrées. C’est un cercle vicieux : moins de célébrations dans les églises, mais autant de charges, surtout en hiver, alors pour réduire celles-ci, on réduit encore le nombre des célébrations !

Les catholiques d’Alsace voient effectivement les prêtres surtout comme des « animateurs de structures et des prestataires d’actes religieux », puisque ces prêtres, du fait de leur petit nombre, sont tellement sollicités par ces tâches qu’ils n’ont plus le temps pour autre chose, en particulier pour ce contact personnel avec les paroissiens des nombreuses communautés dont ils ont la charge.

Et s’il est difficile pour les jeunes d’engager toute leur vie dans le célibat pour une telle perspective, encourageons tous ces moins jeunes, des hommes mariés qui s’engagent pour cette mission par le diaconat permanent, avec le soutien de leurs épouses, preuve que le célibat ne doit pas être un obstacle pour la mission.

Monsieur Vincent, merci pour ces paroles courageuses, si du moins ma façon de les comprendre correspond à votre pensée. Mais on sait aussi que votre propos sur le célibat fait partie des conditions de recrutement des évêques de rit latin et que l’entretien rapporté se déroulait précisément à Rome.

Revenons en Alsace, où vous venez d’être nommé. Puisque, du fait de la raréfaction des prêtres l’appel de jeunes gens au ministère presbytéral se raréfie lui aussi, pris comme tous les catholiques d’Alsace dans ce cercle vicieux, quelles solutions préconisez-vous ?

 

Marcel Metzger

 

 

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Rédigé par jonasalsace

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